24heures du 24.10.2022 par Thibault Nieuwe Weme
La transformation de la rue des Échelettes, rendue «vivante» en 2021, divise les riverains. La grande majorité la voit d’un bon œil.
«Avant, il y avait des places de parc et des voitures qui circulaient dans les deux sens ici.» Difficile de les imaginer au milieu du bitume coloré où quelques petits cyclistes zigzaguent entre les plantes et les malles à jouets qui peuplent désormais la rue des Échelettes à Lausanne. On est loin du «calvaire» décrit par quelques habitantes du quartier dans les pages de «Lausanne-Cités».
Piétonnisée et végétalisée à l’été 2021, la rue accueille désormais jeux d’enfants, petits événements festifs ou encore pique-niques entre voisins. Deux garderies locales investissent aussi régulièrement le lieu pour oxygéner ses bambins. Une effervescence qui a déplu à quelques riveraines, se plaignant de nuisances sonores «insupportables» au point de lancer une pétition, signée par six personnes, contre le nouveau visage de la rue.
«La place qu’ont prise ces plaintes est disproportionnée. Partout autour de nous, les retours sont très positifs, assure un petit groupe de riverains venu profiter des chaises de bistrot posées à même la rue. Pour ceux qui n’ont ni balcon ni jardin, la rue devient une terrasse. «Certains viennent travailler dehors sur leur ordi, raconte Pierre, habitant du quartier. En plein cœur de la ville, l’esprit est devenu villageois. «On connaît beaucoup plus de gens qu’auparavant. On prend enfin le temps de se croiser et de discuter.»
Volonté d’étendre le périmètre
Comme dans tout bon village, certaines traditions se sont déjà installées. «Tous les jeudis de 17 h à 19 h, de mi-août à mi-octobre, nous organisons par exemple un apéro-marché avec de la musique et des produits locaux», explique Tania Taillefert, riveraine et membre de l’association de quartier France-Collonges-Maupas (QCFM). La petite maison d’édition attenante à la rue a organisé des lectures en plein air, des vernissages et une kermesse littéraire. «Avant, nous étions coincées derrière une rangée de voitures. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de vie et de passage», se réjouissent les deux tenancières.
«De manière plus générale, nous souhaitons évidemment que cet aménagement soit pérennisé, mais aussi que son périmètre s’étende et qu’il inspire d’autres transformations d’espaces publics lausannois», poursuit Tania Taillefert au nom du comité QCFM. Une pétition, signée à ce jour par quelque 70 personnes, a été lancée dans ce sens.

Soutien de la Municipalité
«Bien sûr, il faudrait pouvoir en discuter avec les gens que ces animations agressent, car il est vrai que la morphologie de la rue n’est pas idéale pour laisser s’échapper le potentiel boucan, admet Jeanne, qui habite le quartier depuis quinze ans. Seulement, je n’ai jamais vu une seule fenêtre s’ouvrir pour nous dire de faire moins de bruit!» Quant au square, objet de railleries, il accueille déjà les ébats d’enfants depuis 1991. «Pour avoir une fenêtre donnant sur l’avenue de France et une autre sur les Échelettes, c’est du côté de la première que c’est le plus sonore, résume Pierre. Mieux vaut entendre les cris d’enfants que le vrombissement des voitures.»
Municipale en charge de la mobilité et des espaces publics, Florence Germond est également élogieuse sur la transformation des Échelettes. «Le bilan est très positif. Nous avons pu remettre l’humain au centre. Nous restons toutefois attentifs au bien-être de l’ensemble des habitants. C’est pourquoi nous avons par exemple évité d’installer des tables et des chaises fixes afin de ne pas attirer les noctambules.» D’autres rues suivront-elles l’exemple des Échelettes? «C’est la direction que nous voulons prendre. Ce qui me tient particulièrement à cœur, c’est de rendre la rue aux enfants. Trop souvent, ils sont condamnés à rester enfermés à l’intérieur car la ville est trop dangereuse. À nous de la rendre plus accueillante.»